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Dans « Le Procès du chien », la réalisatrice Laetitia Dosch en avocate des causes perdues

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
On se souvient de la première fois qu’on a vu Laetitia Dosch, c’était dans La Bataille de Solferino (2013), le premier long-métrage de Justine Triet : la cinéaste y saisissait brillamment ses allures de jeune femme ontologiquement débordée, par l’époque, par tout ce qu’elle avait à faire, par le torrent de pensées qui semble toujours l’assaillir. Un peu dans la lune, un peu angoissée, un peu consciente de tout ça et en jouant juste assez pour que ce soit beau à regarder – s’il fallait lui trouver un modèle d’exquise maladresse, ce serait Diane Keaton.
Depuis ce rôle, les films, les pièces et les beaux rôles s’enchaînent à un rythme imperturbable. En 2018, la voilà qui met en scène un spectacle, Hate, sa très remarquée « tentative de duo avec un cheval » : sur scène, elle est nue et soliloque auprès d’un majestueux cheval blanc. Le spectacle donnait la direction de son désir d’actrice. Une envie de jouer avec autre chose que des humains, d’accorder son jeu sur une vraie altérité.
Désir prolongé avec Le Procès du chien, son premier long-métrage présenté à Cannes dans la section Un certain regard, et heureux gagnant d’une (assez prévisible) Palm Dog. Inspiré d’un fait réel, l’histoire se situe à Lausanne où Dosch est Avril, une avocate spécialisée dans les causes perdues. Lassée de ses échecs, elle se fait la promesse de gagner sa prochaine affaire qui se trouve être la défense d’un chien, Cosmos, multirécidiviste qui a mordu une femme au visage et, ce faisant, doit se faire euthanasier. Une décision que refuse son maître mal voyant, Dariuch (François Damiens, acteur très canin).
Motivée par cette affaire et décidée à ce que son client échappe à la peine capitale, Avril va donner à ce procès une ampleur médiatique ouvrant sur un maelström d’arguments et de contre-arguments. Le pauvre Cosmos, qui n’avait rien demandé, se voit traité comme un justiciable comme un autre, l’objet de tous les délires discursifs de la part des deux camps. Comme si ce grand capharnaüm ne suffisait pas, Laetitia Dosch ne cesse de développer les sous-intrigues : une romance avec le maître-chien (Jean-Pascal Zadi), un très jeune voisin qui tente d’échapper à son foyer violent, Metoo et l’écologie s’invitant à la table des discussions – et si Cosmos était un chien misogyne ?
Dans Le procès du chien, deux envies se rentrent dedans : le désir de pédagogie et de clarté, ouvrant sur une grande dissertation juridico-philosophique. Qui est le chien pour l’homme ? De l’autre, on devine un tout aussi sincère désir de chaos, de remplir le film de personnages désaccordés, d’acteurs qui n’ont pas l’habitude de se croiser : Damiens, Zadi, le chien, Anne Dorval, génialement excessive, en grande avocate aux airs trumpiens. Entre le chaos et la pédagogie, le film se perd un peu, mute en procès d’une époque qui judiciarise tout et n’importe quoi, où l’on débat de tout, n’importe comment, où tous les sujets s’emmêlent et font des nœuds.
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